J'ai rédigé un projet de mail à soumettre aux éditions black box: En voici le brouillon.
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Je vous écrit afin de suggestions de titre de manga qui n'ont pas été publiées en France et pourtant, le mériteraient amplement.
Le titre que je voudrais défendre aujourd'hui est "kaze to ki no uta" de Keiko Takemiya.
Le yaoi et le shonen-ai sont très à la mode de nos jours, et beaucoup de titres sont édités en français. Peut-être trop, car régulièrement, j'entends ce lectorat se plaindre de lire "toujours les mêmes histoires" engoncées dans des codes et des clichés tellement répétitifs qu'ils en deviennent lassants. Pour ma part, ce que je déplore dans beaucoup d'oeuvres de cette catégorie, c'est l'absence de profondeur et de recherche dans les personnages.
Dans ce contexte, "Kaze to ki no Uta" me paraît une réponse propre à contenter ce lectorat parfois désabusé. Ce manga est considéré comme le fer de lance du genre Boy's Love et est porté au Japon au rang de classique. Il bénéficie d'expositions, de plusieurs artbooks (et produits dérivés??), et de diverses éditions, dont une édition en 5 tomes et une autre en 10 (la série en tankoubon en compte 17). Oeuvre fleuve, donc, mais qui développe nombre de ses personnages avec une attention et une force exceptionnelle, justifiant par là sa longueur.
Certes le dessin diffère grandement de ce que propose aujourd'hui le marché en matière de shounen-ai. Mais après tout, ce n'est pas un style si éloigné d'un Ryoko Ikeda (La Rose de Versailles...), et la maîtrise que l'auteur a de sa narration saura faire oublier à ceux qui seraient plus réticents d'y porter attention.
"Kaze to Ki no uta" situe son action en France, et de toute évidence, l'auteure s'est soigneusement documentée sur le pays à l'époque où se passe l'histoire (la deuxième moitié du XIXe siècle). Malgré quelques imperfections (parfois volontaires, comme un clin d'oeil à AstroBoy), elle brosse pour l'ensemble un tableau de cette époque cohérent et convaincant.
L'écrivain Italo Calvino a un jour dit "Un Classique, c'est un livre qui n'a jamais fini de dire ce qu'il a a dire". Or, à la lecture de ce manga, on a presque l'impression de dévorer un roman, tant sont grands les soins apportés à la narration et la psychologie des personnages, le tout dans ce contexte étudie qui reflète les idées propres à cette époque. En parvenant à tenir compte des points de vue croisés de personnages qui obéissent (ou désobéissent) chacun à des codes moraux, sociaux ou religieux imposés par leur environnement et leur éducation, Takemiya crée des tensions, des confrontations, des dilemnes, des inquiétudes à ses personnages, pour lesquels il est difficile de ne pas vibrer. Même les pires d'entre eux, ceux qui font preuve des violences physiques et morales les plus crues, (sans cependant que le dessin tombe dans d'explicites obscénités!) ne peuvent susciter une totale haine de la part du lecteur, sinon plutôt une pitié et une empathie, sans pour autant chercher l'approbation de leur comportement, mais seulement de le comprendre.
Car "Kaze to ki no uta" est une histoire d'êtres blessés et une illustration de la manière dont ils portent leurs blessures présentes et passées dans un monde qui ne leur accorde aucun répit et où la liberté même d'aimer leur est contestée. Elle dénonce une décadence, une cruanté et une hypocrisie de la société qui n'est pas en décalage avec notre temps, même pour un manga vieux de presque quarante ans. C'est aussi un manga sur les différences, physiques, sociales, sexuelles, morales, et l'exclusion des individus touchés par ces différences, mais aussi les diverses manières dont ils réagissent devant cet obstacle.
C'est à mon avis une oeuvre qui est trop souvent mal comprise, car ses thématiques parfois très dures ont tendance soit à rebuter, soit à choquer son public potentiel, qui s'attend immédiatement à une oeuvre obscène et dépourvue de morale. "Kaze to ki no uta" est à mon sens une oeuvre qui souffre davantage des a priori que l'on a dessus (j'en avais aussi quelques-uns en découvrant la série, après tout), et qui se révèlent pourtant infondés à la lecture, que d'une véritable non-commerciabilité dûe au choix de ses sujets.
Je plaide pour l'édition de ce manga en qualité d'admiratrice du travail de Takemiya Keiko, il ne tient bien sûr qu'à vous de vous faire votre propre opinion de cette oeuvre. J'ai cependant espoir que cet avis vous incitera à étudier la question.
Comme vous le voyez il manque encore des petites choses, je vais voir pour intégrer un résumé de l'oeuvre au début et vérifier certains de mes propos...